NOTES

 

Dans sa notice préliminaire à la Suite de l'Apologie de M. l'abbé de Prades ou Réponse à l'instruction pastorale de Mgr l'évèque d'Auxerre ( Berlin, 1752) qu'il publie au tome I de son édition des Oeuvres complètes de Diderot (Garnier, 1875), J. Assézat écrit:

 

« La thèse de l'abbé de Prades fut soutenue en Sorbonne le 18 novembre 1751. Elle avait été approuvée par le syndic de la Sorbonne, mais le 27 janvier 1752, la Faculté de théologie, et le 29 du même mois l'archevêque de Paris la censurèrent. Le Parlement la condamna au feu. L'évêque de Montauban, diocésain de Tabbé, sortit d'un silence qui durait depuis vingt ans pour s'écrier dans un mandement: « Jusqu'ici l'enfer avait vomi son venin goutte à goutte; aujourd'hui ce sont des torrents d'erreurs et d'Impiétés qui ne tendent à rien moins qu'à submerger la Foi, la Religion, les vertus, l'Église, la subordination, les Lois et la raison. » L'évêque d'Auxerre rédigea de son côté une instruction pastorale. Une guerre assez vive s'ensuivit, où, après l'abbé, ce fut Diderot qui fut le moins ménagé. Il y eut contre lui des brochures, des articles dans les Nouvelles ecclésiastiques (1752, p. 33 et suiv.), des estampes; l'une, entre autres, où il est représenté fouetté par un cordelier; en un mot « ce fut, dit Naigeon, le mot de ralliement des fanatiques qui voulaient perdre Diderot ». On ne voulut pas admettre que la thèse fût de l'abbé de Prades, même aidé de l'abbé Yvon; on tint à considérer ces deux hommes comme les prête-noms du philosophe, et peut-être, quoi qu'on en ait dit depuis, n'était-il point, en effet, complètement étranger à l'affaire. »

 

Et, à la mention de l’estampe,  J. Assézat annote :

 

«  M. Victor Hugo a eu connaissance de ce fait, probablement par le Journal de Barbier. Il suppose, avec l'assurance du génie, que Diderot « fut mis à Vincennes en 1752, pour avoir publié le premier volume de l’Encyclopédie » et il ajoute que « le grand succès de l'année fut une estampe vendue sur les quais, laquelle représentait un cordelier donnant le fouet à Diderot. » « La diatribe, continue-t-il, est, dans l'occasion, un moyen de gouvernement. Ainsi, il y avait de la police dans l'estampe de Diderot fouetté, et le graveur du cordelier était un peu cousin du guichetier de Vincennes. » (William Shakespeare, éd. in-12, p. 212 et 214.)

« A part les erreurs matérielles, tout est bien dans cet ingénieux rapprochement. Ce ne fut pas en 1752, ni à cause de l'Encyclopédie que Diderot fut mis à Vincennes, mais cela ne détruit pas le fait général de la complicité assez habituelle des faiseurs de satires ou de caricatures avec la police. Quant à l'estampe en elle-même, que nous croyons l'avoir sous les yeux, à moins qu'il n'y en ait eu deux, en voici la description:

« Elle est ronde, encadrée par un double cercle; le cercle intérieur a à peu près la dimension d'un écu de six livres; on lit, en haut, dans l'intervalle des deux cercles cette légende: Est etiam vobis Francisci a fune cavendum. En bas, dans le médaillon même, sur une sorte de socle qui supporte le paysage où se passe la scène, est inscrite la date, 1752. Le cordelier n'existe pas. Il n'y a qu'un bras, avec la large manche proverbiale et un poing armé du cordon de Saint-François, sortant d'un nuage et menaçant un personnage qui, la plume à la main, enjambe, fort effrayé, pour s'enfuir, un gros volume placé par terre et ouvert à une page sur laquelle ou lit: Aristotélisme. C'est la seule indication qui puisse faire reconnaître que ce personnage est Diderot. Deux autres, dont un abbé (de Prades), s'évadent dans le lointain. Un tronc d'arbre brisé complète cette composition qui paraît être de la même main qui grava, quelque temps après, la médaille à l'auteur des Philosophes et son revers. »

La conjecture de J. Assézat sur l'origine de l'information de Hugo pour ce qui concerne la campagne contre Diderot à l'occasion de l'affaire de l'abbé de Prades est fondée: le Journal de Barbier l'évoque assez longuement (ouvrage cité, tome V, p. 150-152). Il faut cependant remarquer que Hugo ne parle pas de l'abbé de Prades.